Compte-rendu de la cérémonie de remise de la médaille des Justes au Pasteur Pierre Gagnier et son épouse Hélène
18 janvier 2012
Témoignage de Denise Rouire (lu par Hadrien - Arrière petit fils de Pierre et Hélène Gagnier)
Quand l’occupation allemande s’est étendue à la France entière, y compris la région de Nice qui était occupée par les Italiens, nous étions à Nice depuis Octobre 1940. Beaucoup de Juifs s’étaient réfugiés dans cette région, puisque l’occupant italien ne cherchait absolument pas à persécuter les juifs, contrairement à ce qui se passait en Italie.
Dès l’arrivée des Allemands, il y eut des arrestations de juifs. Certaines se faisaient "au faciès". Les voitures de la Gestapo roulaient très lentement. Dès que ses occupants repéraient quelqu'un qui leur semblait suspect, elle s’arrêtait et embarquait le repéré. Quand on sortait de chez soi, on ne savait pas si on reviendrait.
Après le départ de ma sœur et de mon frère vers le 15 septembre 1943 pour Valence, chez le pasteur de cette ville, mes parents et moi avons quitté Nice pour Vence, à une vingtaine de kilomètres. J’avais 19 ans.
Il y avait depuis longtemps des liens entre ma famille et les mouvements de jeunesse protestants. Mon frère était éclaireur unioniste, ma sœur et moi participions au groupe « fédé » .C’était un groupe d’étude et de discussion proche de l’église Réformée de Nice. Le Pasteur Gagnier et sa femme me connaissaient.
Alors que je cherchais à travailler dans un établissement protestant pour handicapés, le Pasteur Gagnier m’a proposé de venir dans sa famille comme jeune fille au pair à partir de la mi-octobre 1943..
J’habitais dans un presbytère et j’allais 2 ou 3 fois par mois voir mes parents à Vence. J’étais de cette façon, comme fondue dans la paroisse protestante. Je n’étais pas à l’abri d’une dénonciation et j’étais bien consciente que mon arrestation aurait entraîné celle du pasteur et de sa femme.
Jamais, à aucun moment, je n’ai entendu ce couple faire une quelconque allusion au danger que je représentais pour eux.
Je n’ai su qu’après la libération un peu des activités clandestines du Pasteur Gagnier.
Pendant l’occupation, il était de règle de ne poser aucune question - moins on en savait, et mieux cela valait.
Je ne peux pas, quand je pense à cette période 1943-1944, séparer les membres du couple Pierre et Hélène Gagnier. Leur rôle n’était pas identique, mais leur engagement était le même, et les risques qu’ils prenaient identiques. Pour accueillir, nourrir, cacher, réconforter, le Pasteur Gagnier devait s’appuyer sur son épouse. Elle a su venir en aide, sans jamais montrer de crainte, ou de lassitude. Elle a su ne rien dire de son angoisse permanente, elle qui savait les risques que prenait son mari. Je ne peux pas séparer dans mon souvenir les deux membres de ce couple. J’ai pour chacun d’eux la même admiration, la même reconnaissance. Leur foi les rendait forts et confiants, lucides aussi.
Denise Rouire-Kont (18 mai 2007)
Denise Rouire est décédée en 2008