Commémoration 2017 pour Odette et Moussa
11 septembre 2017
Le dimanche 10 septembre dernier, nous étions à nouveau réunis autour d'Odette et Moussa pour honorer leur mémoire.
Trois générations étaient unies autour de la tombe d'Odette et Moussa Abadi. Enfants cachés, amis, neveux, enfants d'enfants, petits-enfants et arrières petits enfants de Justes formaient un grand cercle familial autour de ceux à qui nous étions venus rendre hommage.
Le Rabbin Daniel Fahri, fidèle à sa mission, a célébré cette commémoration avec toute toute l'affection et le respect qu'il continue de porter à Odette et Moussa.
Andrée Poch-Karsenti, notre présidente a souhaité dire quelques mots pour rappeler qui fût Odette :
Je lis en ce moment,« Si c’est une Femme », livre de Sarah Helm qui décrit l’univers concentrationnaire de Ravensbrück, camp de femmes.
Pourquoi ce titre m’a fait penser à Odette ? Parce que sur la première page de cet écrit, figure une phrase : « A celles qui ont dit non. » et ceci s’applique à Odette.
À Auschwitz où à Bergen-Belsen, elle aussi à côtoyé l’univers concentrationnaire, la souffrance, la faim, les longues séances d’appel, la soif, la brutalité des femmes Kapo. Elle a dû voir impuissante ces malades du Revier dont elle avait la charge, mourir de maladies, de faim. ..Gazées… et le supporter, elle, médecin, sans possibilité de les soigner, tout en gardant son humanité que les Nazis voulaient lui ôter.
Elle a voulu vivre pour nous retrouver, nous « ses » enfants cachés par elle et Moussa, mais aussi, et peut-être surtout, parce que jamais la haine n’a eu de prise et que l’espérance et l’amour l’habitaient. Son livre « Terre de Détresse », écrit à partir de ses notes prises dès son retour des camps, voulait être un rempart contre le négationnisme montant et entretenir la mémoire des faits.
C’est cette mémoire, leur mémoire, qui nous rassemble aujourd’hui. Ce sont eux que nous honorons et dont nous voulons garder le souvenir.
Natacha Karsenti a ensuite lu un passage de "Terre de détresse" :
Nous avons tout connu au camp, la faim, la soif, les affres des étés torrides et des hivers glaciaux, toutes les maladies, toutes les déchéances, et les tortures, les flammes des fours crématoires et partout le mort.
Nous avons connu aussi, de la part de certaines d’entrés nous, les refus systématiques
de comprendre et d'admettre des déportées d'ethnies ou de cultures différentes, les inégalités criantes, les persécutions, les brutalités bestiales, le retour à la barbarie.
Nous avons tout connu : les deuils, les espoirs fous vite déçus, la désespérance, et même la dérision et les rires.
Ce que nous savons maintenant à coup sûr, c'est que dans le pire des malheurs, notre grandeur et notre force étaient de nous sentir solidaires. Ce que nous avons appris, c'est que la misère absolue, les souffrances, la présence permanente de la mort peuvent faire se révéler des personnalités merveilleuses et inattendues et que leur amitié, leur tendresse, leur courage nous ont soutenues et quelquefois sauvées.
Mais si le souvenir de cette extraordinaire puissance d'amour s'impose, au milieu de l'horreur et du désespoir, dans les récits de notre vis d'enfer, comment la fierté d'avoir connu les meilleurs d'entre les femmes ne nous rendrait-elle pas encore plus cruelle l'injustice monstrueuse de leurs souffrances et de leur mort ?
Nous avions cette année, le plaisir de compter parmi nous, Gida, la nièce de Moussa. Accompagnée de son neveu Nadave, tous deux ont souhaité ajouter cette étape à leur voyage depuis Israël. Ils ont tenu à partager l'attachement qu'ils portent à Moussa et à son action. Pour cela, Gida s'est exprimée en français.
Chers Mesdames et Messieurs,
Je m'appelle Gida Abadi et je suis la nièce de Moussa. Et voici Nadave Abadi, mon neveu.
Depuis des années, je viens sur cette tombe mais c'est la première fois que je viens à la commémoration officielle.
Odette et Moussa ont eu une grande influence sur moi depuis notre première rencontre voila trente ans. Chaque année, jusqu'à la mort d'Odette, je venais à Paris et une bonne relation s'est créée entre nous. J'étais chaque fois impressionnée par leur humilité, leur puissance et la force du lien de ce couple. L'histoire de leur vie, qui est liée à l'histoire du peuple juif, n'a cessé d'occuper mon esprit
depuis et jusqu'à ce jour.
A l'époque, je racontais leur histoire partout. Je me suis même adressée au Docteur Paldiel de Yad Vashem, qui a, par la suite, écrit un article sur le réseau Marcel dans la revue de Yad Vashem.
Pourtant, je sentais, tout le temps que ça n'était pas suffisant.
L'an dernier, lorsque j'ai pris ma retraite, nous avons décidé, Nadave et moi, d'approfondir nos recherches sur le sujet.
Nous avons trouvé beaucoup de choses. Nous avons découvert que deux livres avaient été écrits, ainsi que quelques articles. Nous avons découvert qu'un film documentaire avait été tourné mais également que des interviews avaient données à la radio et dans les journaux. Nous avons découvert l'activité des "Enfants et Amis ABADI". J'ai même le témoignage écrit de Moussa lors du colloque de "Enfants cachés" au Palais du Luxembourg le 21 mai 1995. Odette me l'avait envoyé.
Plus nous approfondissions, plus nous étions émerveillés par le courage, le sens du sacrifice, l'humanité d'Odette et Moussa et leur capacité à entrainer les autres dans la mission héroïque qui fut la leur.
Notre volonté est de commémorer de manière différente, respectueuse et significative, une fois encore cette histoire héroïque. Nous souhaitons
respecter leur dernière volonté. Il était important pour eux de transmettre afin que personne n'oublie l'horreur, que personne n'oublie que cela peut se reproduire, que personne n'oublie qu'un "enfant caché" n'est pas seulement un enfant caché qui a survécu à la Shoah, mais que les enfants cachés sont aujourd'hui encore partout dans le monde souffrant des horreurs de la guerre.
Nous voulons transmettre cette histoire. Merci de nous aider à la raconter.
Daniel Fahri a chanté L’El Malé Rahamim et le Kaddish.
Nous nous sommes ensuite retrouvés dans le traditionnel restaurant "Chez Papa" afin d'y partager le verre de l'amitié et plus encore puisque nous sommes nombreux à y être restés déjeuner. Ce fut l'occasion de prolonger ce moment avec celles et ceux qui nous rejoignaient cette année.
Souhaitons nous d'être encore plus nombreux l'an prochain.