rencontre entre le lycée Morvan et le Réseau Marcel
14 septembre 2017
Le mercredi 7 juin dernier, Jeannette Wolgust et Andrée Karsenti ont été à la rencontre du cours Morvan pour partager leur histoire d'enfants cachées et plus généralement celle du réseau Marcel. Leur hôtes partagent le compte rendu de ce moment.
Jeannette Wolgust et Andrée Poch-Karsenti nous ont fait l'honneur, ce mercredi 7 juin 2017, de leur visite au lycée Morvan pour nous livrer leur expérience singulière et douloureuse d'enfants cachées par le Réseau Marcel, pendant la Shoah.
Cette rencontre fut riche et intense et nous avons grandement ressenti l'émotion derrière chacun de leurs mots.Néanmoins, nous avons eu beaucoup de chance car Jeannette ne témoigne plus guère. En effet, le retour de souvenirs de cette époque terrible entraîne une vulnérabilité psycho-affective que Jeannette a de plus en plus de mal à surmonter. Cependant, comme le lycée Morvan et Jeannette avaient auparavant partagé une belle expérience, cette dernière a accepté de revenir vers nous pour évoquer ses douloureux souvenirs.
C'est lors du concours de la résistance 2008 organisé par Aude de Saint-Loup et Annie Carcaillon, que nous rencontrons pour la première fois Jeannette. La thématique de ce concours était alors de rendre officiellement hommage au docteur Odette Abadi qui fut médecin scolaire des collège et lycée Morvan, de 1978 à 1994.
Chose étonnante, Odette n'a jamais parlé du fait qu'elle était cofondatrice du Réseau Marcel à Nice qui sauva 527 enfants juifs de la barbarie nazie et des Lois de Vichy, parmi lesquels figuraient Jeannette Wolgust et Andrée Poch Karsenti. Odette fut rescapée des camps d'Auschwitz et de Bergen-Belsen. Lors de l'hommage officiel d'Odette Abadi en 2008, une plaque fut apposée sur le mur de notre établissement le vendredi 11 janvier en présence des élèves, de l'équipe pédagogique et éducative et des enfants Abadi, c'est-à-dire les enfants cachés et sauvés par le Réseau Marcel. Par ailleurs, une exposition eut lieu à la Mairie du 9ème arrondissement de Paris.
Jeannette Wolgust commença son récit en nous racontant combien il lui fut difficile de narrer son histoire. C'était trop douloureux, les mots ne sortaient pas. Mais il était nécessaire de devenir témoin pour contrer les thèses révisionnistes.
Jeannette, enfant cachée durant la Shoah, a échappé à la persécution meurtrière et à l'extermination. Comme de nombreux enfants juifs cachés, elle fut séparée de ses parents et de son petit frère. Elle dut renoncer, du jour au lendemain, à son identité juive et taire son nom, qu'elle a repris après guerre.
Elle poursuit son récit par ce qu'elle nomme sa chance, sa bonne étoile. En effet, lors de la Rafle du Vel-d'Hiv, les policiers français ne l'ont pas arrêtée car ils n'ont pas souhaité s'encombrer d'une femme et de ses deux enfants. Jeannette Swinta, de son nom de jeune fille, était alors une jeune adolescente de 14 ans. Elle fut cachée sous le nom de Jeanne Moreau à Grasse près de Nice par l'intermédiaire du médecin Odette Rosenstock, future madame Abadi, qui sera en quelque sorte son ange gardien.
Nous avons apprécié le témoignage de Jeannette dont l'histoire se termine bien. Son frère et elle retrouveront leurs parents après guerre. Puis nous avons ressenti beaucoup d'émotion lorsque Jeannette a retiré de sa poche son étoile de David et l'a fait passer d'élève en élève.
En outre, à travers son récit, nous avons ressenti l'amour inconditionnel et la grande reconnaissance de Jeannette Wolgust et d'Andrée Poch Karsenti pour le couple Abadi. Au travers de leur association « Les Enfants et amis Abadi », elles consacreront la majeur partie de leur vie à faire connaître les actes héroïques d'Odette et Moussa Abadi, deux « êtres exceptionnels » qui n'ont jamais dit un mot de leur engagement courageux.
Andrée Karsenti s'est peu exprimée, étant plus réservée. En effet, elle n'était qu'une toute petite fille pendant la Shoah. Par conséquent, ses souvenirs sont particulièrement flous. Elle eut cependant la vie sauve car quand ses parents furent arrêtés à leur domicile, elle était chez ses voisins. Andrée n'a hélas jamais revu ses parents, morts en déportation. Elle fut cachée, elle aussi pendant toute la durée de la guerre, par le Réseau Marcel d’Odette et Moussa Abadi.
Nous retiendrons de cette rencontre deux enseignements majeurs : la foi en la vie et l'optimisme inconditionnel de ces deux témoins. Et nous comprenons fort bien que nous sommes désormais les relais nécessaires de cette transmission.