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Semaine « Enfants cachés et déportation »

Du 7 au 11 janvier 2008

Discours de Jeanette Wolgust

Le Cour Morvan qui reçoit de nombreux jeunes gens et jeunes filles jusqu’au baccalauréat, a voulu rendre hommage, et je l’en remercie, à d’autres enfants : les enfants cachés pendant la dernière guerre. Savez-vous ce qu’étaient les enfants cachés entre 1942 et 1945 ? C’était des enfants de tout âge en danger de mort, parce que nés Juifs. A partir du 16 juillet 1942 jour de la grande rafle du Veld’Hiv à Paris, où hommes, femmes et enfants ont étés arrêtés, Pétain et Laval ordonnent la déportation des enfants Juifs, pour ne pas les séparer de leurs parents ! En 1940 il y avait environ 70.000 enfants Juifs en France, plus de 11.000 ont étés déportés : ils ne sont pas revenus.50.000, environ, ont étés confiés par leurs parents à des familles d’accueil, souvent à la campagne. Plus de 10.000 enfants ont étés confiés et sauvés par des réseaux de sauvetage dans toute la France. L’organisation de ces réseaux est spécifique à la France. De nombreuses mains se sont tendues pour aider les réseaux à sauver des enfants. Un de ces réseaux, le Réseau Marcel, créer par Moussa Abadi et Odette Rosenstock Abadi à Nice, entre 1943-1945 a caché, protégé et sauvé 527 enfants de la déportation. Début 1943, Moussa Abadi rencontre à Nice, Don Julio Pénitenti, aumônier des troupes italiennes en Europe de l’est : celui-ci lui raconte ce qu’il a vu en Russie, en Ukraine, les massacres, les fusillades…Moussa ne veut pas le croire, alors Don Penitenti sort son crucifix, le met sur sa main et jure sur le Christ qu’il ne raconte que la vérité. Moussa horrifié rejoint Odette et tous deux décident de rentrer en résistance : ils vont aider les plus petits, les plus faibles, les enfants. Le Réseau Marcel est né.

"Tu t’appelles Jeanne Moreau, tu es née à Alger", et l’enfant répétait, répétait…

Comment créer un réseau ? Il faut des caches, des convoyeurs, de l’argent. Moussa obtient un rendez-vous auprès de Monseigneur Rémond évêque de Nice, et lui demande son aide. Monseigneur Rémond accepte : il lui ouvre tous les pensionnats religieux du diocèse de Nice. Moussa se voit attribuer un bureau à l’évêché. Dans ce bureau, Moussa fabriquera tous nos faux papiers, nos cartes d’alimentation : il en a fait plus de mille. Moussa reçoit un titre : Inspecteur de l’enseignement Catholique du diocèse de Nice, titre qui permet à Moussa de circuler librement. Odette devient Sylvie Delattre, assistante sociale de l’évêché, chargée de la protection des enfants réfugiés. Odette contacte les Pasteurs Gagnier et Evrard, les Maires des petits villages pour obtenir des familles d’accueil. Pour nous convoyer, Odette et Moussa contactent les Eclaireurs Israélites de France connus sous le nom de la sixième. Pour être subventionné, Moussa rencontre M. Brenner, représentant le Joint (Association caritative Juive américaine) en France. Les rafles s’intensifient, les parents acculés, désespérés décident de sauver les enfants, c’est ainsi que j’ai été confiée au réseau Marcel. Dès qu’un enfant arrivait, Moussa lui apprenait sa nouvelle identité : "Tu t’appelles Jeanne Moreau, tu es née à Alger", et l’enfant répétait, répétait….Il fallait aussi changer les prénoms de nos parents ; il n’était pas bon de s’appeler David où Sarah qui devenaient ainsi Daniel et  Suzanne. Moussa nous a confié combien il a souffert de ce travail. J’étais un « voleur d’identité ». Je voudrais vous dire, puisque nous rendons aussi hommage à Odette, quelle femme exceptionnelle, hors du commun elle était. Moussa lors du colloque au Sénat en 1995, où il s’exprimait pour la première fois à dit : « Une fois les enfants placés, le travail ne faisait que commencer et c’est alors qu’intervenait Odette sous le nom de Sylvie Delattre ? Cà me générais de dire, que vraiment, ce qu’elle a fait, personne n’aurait pu le faire. Les enfants cachés avaient besoin de quoi, d’un peu de tendresse, d’amitié, d’amour, et Odette courait partout, de Cannes à Grasse, à Nice »…et elle nous portait cet amour.

Qu’est-ce qu’un enfant caché ? C’était un enfant en danger qui avait besoin des autres.

Permettez-moi un témoignage personnel : nous étions quatre petites filles juives au pensionnat Jeanne d’Arc à Grasse : Marthoune, Denise, Jeannette, Françoise. Nous avions décidé d’appeler Odette « Mademoiselle », et quand notre Demoiselle arrivait toutes les deux où trois semaines, c’était le bonheur. Mademoiselle avait ce don, ce sens de la pédagogie pour donner à chacune d’entre nous ce dont nous avions besoin, ce qui était vital pour nous. Elle était sévère : il fallait bien travailler. Marthoune, la plus petite avait huit ans, était première en catéchisme : n’est-ce pas Marthoune ? ! Je ne sais pas où Odette trouvait la force d’être entièrement disponible, mais nous puisions en elle la force qu’il nous fallait pour continuer à tenir . Puis en avril 1944, l’horreur, Odette est arrêtée par la Milice : elle ne parle pas, puis c’est Drancy, Auschwitz, Bergen Belsen, d’où Odette est revenue. Après quelques jours de repos, elle est repartie à Nice pour aider Moussa.
Je voudrais vous citer Moussa Abadi : "Qu’est-ce qu’un enfant caché ? C’était un enfant en danger qui  avait besoin des autres."

Je voudrai vous demander pour finir, d’avoir une pensée : c’est ma manière à moi de dire le Kaddish, une pensée pour les enfants que nous n’avons pas pu sauver, que nous aurions du sauver si nous avions été plus nombreux.

Au revoir les enfants.

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